Trois questions à… Karen Chevallier

Trois Questions

1. Peux-tu te présenter et nous résumer ton parcours ?

   Mon cursus n’est pas très académique…

   J’ai démarré ma vie professionnelle en tant qu’horticultrice et fleuriste puis j’ai soudainement décidé de m’orienter sur la voie du Web ! J’étais à l’époque la seule fleuriste à passer mes soirées devant mon écran, à construire mes premiers sites personnels. Insolite, n’est ce pas ?

   J’ai ensuite décidé de suivre une formation Web généraliste de 6 mois au GRETA. Après avoir commencé comme « pieuvre » (graphiste / développette / flasheuse / intégratrice), je me suis spécialisée dans l’intégration.

   Mes années passées comme intégratrice m’ont conduite à m’interroger sur les problématiques de qualité, d’accessibilité, de performance, de processus entre développeurs et intégrateurs d’un côté, webdesigners et intégrateurs de l’autre. L’intégration est à la croisée des expertises Web !

   Tout cela m’a amenée à une fonction de direction du pôle front office qui me donne la latitude nécessaire pour agir sur ces problématiques.

   Désormais, j’anime une équipe d’intégrateurs chez Publicis Modem. Les questions liées à la qualité et à l’accessibilité sont toujours présentes et toujours aussi complexes à gérer au sein de projets dont les enjeux techniques, créatifs et commerciaux sont souvent aux antipodes ! C’est un travail sans relâche, que je partage bien heureusement avec de formidables geeks pour défendre la qualité Web et faire avancer notre « cause » ! Nous essayons tous de changer les choses à notre niveau : c’est exigeant (il faut être pugnace !) mais enrichissant.

   Quand à mes passions, vous n’aurez pas de mal à deviner en visitant mes sites : la cuisine (saine bien sûr !), l’écologie et le Web.

   Je sais, c’est un curieux mélange. Mais les geeks aiment beaucoup les gâteaux donc ça tombe bien !

2. Comment valorises-tu le travail de l’équipe face aux enjeux et problématiques soulevées par les autres pôles ?

   Je pense que tous les autres pôles ont bien conscience de la valeur et de la qualité du travail fourni par les intégrateurs. Le problème c’est que tout le monde tire un peu la couverture à soi et c’est bien légitime.

   Les designers souhaitent des sites éclatants, plein de transparences et de formulaires skinnés. Les commerciaux veulent des sites qui « clignotent »… (Je résume fortement mais tout le monde voit ce que je veux dire). Les intégrateurs eux, souhaitent des sites accessibles, performants, respectueux des standards.

   Tout l’enjeu consiste à tenir compte de cette diversité d’objectifs.

   Je préconise avant tout chose une réunion de lancement sur chaque projet. On définit les enjeux et ensuite chacun s’exprime sur son sujet et on définit les niveaux de priorité du projet. Cette phase de calage initiale apporte beaucoup de fluidité au projet.

   Je dois dire que préserver l’environnement de travail sain et efficace n’est pas une sinécure. C’est un travail de tous les instants :

   • organiser le planning au quotidien,
   • gérer les priorités,
   • anticiper les problèmes,
   • courir après les briefs (souvent en retard),
   • suivre les chefs de projets,
   • vérifier la faisabilité graphique…

   Je pense qu’au final je n’y arrive pas trop mal car il y a très peu d’urgences au pôle intégration et les projets sont terminés correctement.

   Je m’efforce aussi de mettre chaque intégrateur sur les projets avec lesquels il a le plus d’affinité (ce qui n’est pas toujours évident).

   Une de mes astuces efficace : le « concours de muffins ». Le concours était alors destiné aux chefs de projet :

   1. qui avaient fait une demande de planning en temps et en heure,
   2. qui n’annulaient pas,
   3. et qui briefaient les intégrateurs à l’heure.

   Ils gagnaient le droit la semaine suivante à un muffin fait maison. La gourmandise c’est ce que j’ai trouvé de mieux. Convivial et redoutablement efficace !

   Le dialogue est vraiment le maître-mot. Pour chaque projet on a toujours plusieurs solutions possibles et seul un dialogue constructif entre le designer, l’ergonome, le chef de projet, le développeur et l’intégrateur peut faire en sorte que nous soyons fiers de nos travaux !

3. Le métier de développeur Web client est en perpétuelle évolution, comment l’appréhendes-tu ?

   Au début dans ma petite agence web j’étais seule à faire de l’intégration. La structure se construisait en tableaux : à l’époque il n’y avait que cette technique... Dire que les plus jeunes n’ont pas connu ça ! Je me demandais même si quelqu’un d’autre que moi faisait ce métier ! Ensuite, j’ai découvert une vraie communauté d’intégrateurs et je me suis sentie moins seule.

   Pour ce qui est de l’aspect technique c’est sûr que les choses bougent tout le temps... En fait, c’est ça que je préfère ! Si j’avais dû continuer à faire toujours la même chose sans que ça bouge je me serais très vite ennuyée. Notre métier est riche et plein d’aspects : comment se lasser ? Il me tarde par exemple aujourd’hui de jouer avec HTML 5.

   J’aimerais qu’on se dirige aussi vers des sites plus simples et mieux conçus. J’ai un peu trop l’impression que la mode est à en faire des tonnes : beaucoup d’images, d’effets... Pas toujours très utile.

   Faisons mieux, faisons pratique, faisons simple et accessible ! C’est un défi collectif et quotidien.

Interview réalisée en janvier 2010.